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Ohayo et bienvenue sur mon blog manga ! ᵔᴥᵔ

Poison City, un appel à résister - MangAnalyse

Poison City, un appel à résister - MangAnalyse

Ohayo et bienvenue dans MangAnalyse ! Aujourd'hui je vais vous parler d'un manga d'une façon un peu différente de d'habitude puisqu'il est avant tout politique, je donnerai les enjeux du manga et les conclusions à en tirer, donc il y aura du spoil, mais du spoil mineur. Et oui dans cet article nous parlerons de liberté d'expression et de censure ! Du même auteur que le manga Prophecy, et de Noise (qui vient de sortir chez Ki-oon et dont vous entendrez parler dans ma review de cette semaine, qui arrive samedi ᵔᴥᵔ), Poison City est une œuvre multi-tâche. Elle permet de comprendre le processus de réalisation des mangas et plus précisément celui de Tetsuya Tsutsui et de son combat pour que la création artistique ne soit pas réprimée par la censure.

J'ai choisi de lire ce manga parce que j'aimais beaucoup le travail de Tetsuya Tsutsui, sans rien savoir de Poison City. Je m’attendais, en voyant le design de ce manga, à un univers post-apocalyptique, à de la guerre et à des zombis. Il n'en est rien. Où alors peut être que les zombis et leur maladie ne sont pas ceux que l'on croit et que la guerre n'est pas celle à laquelle on pense...

Sur la couverture du coffret, on y voit un livre brûlé, représentant un autodafé, symbole de la censure.

Sur la couverture du coffret, on y voit un livre brûlé, représentant un autodafé, symbole de la censure.

Poison City est un seinen manga réalisé par Tetsuya Tsutsui en collaboration et grâce aux éditions Ki-oon (cocorico).

Il est prépublié entre avril et octobre 2014 dans le magazine Jump Kai avant d'être transféré dans le Tonari no Young Jump, et est édité en volumes reliés par l'éditeur Shueisha. La version française est éditée par Ki-oon à partir de mars 2015. C'est un manga en 2 volumes qui dispose de son coffret 2 tomes.

Poison City est né de la mise sur liste noire de Tetsuya Tsutsui en 2009 pour "œuvre nocive pour mineurs", à cause de son manga Manhole. Révolté, il se mit à exprimer sa rébellion face à une censure injuste. Même si les faits réels sont différents du manga et qu'il n'est pas auto-biographique, il n'en a pas moins servi d’exutoire, et n'en est pas moins le reflet de la société.

Tetsuya Tsuitsui est un auteur très respecté et n'a plus rien à prouver dans le genre thriller. Il est auteurs de nombreux mangas à succès.

Tetsuya Tsuitsui est un auteur très respecté et n'a plus rien à prouver dans le genre thriller. Il est auteurs de nombreux mangas à succès.

Synopsis : 200 jours avant ses Jeux-Olympiques de 2020, le Japon accélère ses préparatifs. Un nettoyage culturel se met alors en place afin d’assainir le Japon de ses œuvres classées néfastes. C'est dans cette conjoncture que la "loi pour une littérature saine" voit le jour. Au même moment, Mikio Hibino, un jeune mangaka, décide de lancer son nouveau manga d'horreur et réaliste du nom de "Dark Walker". Malheureusement, la commission de contrôle l'a déjà dans son viseur et Mikio devra se battre pour son manga, sa réputation et sa liberté, face au pouvoir des institutions, l'influence des médias et la pression des citoyens.

La montée de la censure :

C'est donc dans un contexte de censure que Mikio, le personnage principal et héros de Poison City sort de chez son éditeur, où on lui dit qu'il faudra sûrement revoir quelques passages de son œuvre pour ne pas se faire mettre sur liste noir. On nous fait comprendre que les créateurs doivent entrer dans une quête du politiquement correct s'ils veulent être un jour publiés. C'est un bras de fer fait de compromis, que les artistes ne sont pas en train de gagner... Mais cela a toujours eu lieu, de manière constante et partout dans le monde, et de tout temps...

Cependant, on ne s'en rend compte que lorsqu'elle nous atteint. Lorsque Mikio sort de son entretien, il remarque une manifestation contre la destruction d'un monument. C'est celui d'une fontaine représentant un enfant urinant. C'est pourtant une représentation très fréquente et historique. La destruction n'est pas du vandalisme, elle est demandée et réalisée par le gouvernement, dans le cadre de sa politique anti-contenu pédopornographique.

La destruction de la sculpture du petit garçon est d'une grande violence. En voulant nettoyer leur culture, ils ne font que la détruire.

La destruction de la sculpture du petit garçon est d'une grande violence. En voulant nettoyer leur culture, ils ne font que la détruire.

C'est alors que Mikio prit conscience qu'il n'était pas un cas isolé, mais que la censure et le fascisme idéologique étaient déjà présents partout : "Comme je n'avais pas accès au informations jusqu'à présent, j’ignorais tout des terrifiants changements qui s'étaient produits à l’extérieur, à moins que j'aie juste fait semblant... De ne rien remarquer... Les signes annonciateurs étaient déjà là. Le temps que je prenne réellement conscience de la situation, il était trop tard.... Le monde ne serait plus jamais le même."

Ce ne sera pas la seule fois où l'on verra cette tirade, elle sera présente dans DarkWalker, le manga post-apocalyptique de notre héros. Si pour Camus dans son roman La Peste, la peste est une allégorie du nazisme, alors le processus de zombification de DarkWalker, est la censure gagnant le monde de Mikio. De nombreuses fois ce parallèle sera fait. Les scènes de Poison City et de DarkWalker s’entremêleront de plus en plus au cours du manga, parfois sans transition, pour à la fin ne faire plus qu'un, comme si le monde de Poison City s'enfonçait dans celui de DarkWalker.

Poison City, un appel à résister - MangAnalyse
Poison City, un appel à résister - MangAnalyse
Poison City, un appel à résister - MangAnalyse

Hikio nous raconte que personne n'a vu la censure arriver. Qu'elle s'est cachée dans le tumulte de la politique et des débats nationaux, et qu'elle est arrivée de manière légale, mais discrète, en faisant de belles promesses pour rassurer la population. Cette façon de procéder est valable pour toutes les formes de fascisme et T.Tsutsui nous met en garde en temps que lecteur, que dans le monde réel le fascisme est peut être déjà là, sans qu'on l'ai remarqué. L'Histoire se répète toujours. C'est là la mission principale, je pense, du manga. Nous avertir et nous permettre d'anticiper la montée de la censure et du fascisme en général, pour ne pas, comme Mikio, se réveiller trop tard.

Des moyens d'arriver à leurs fins :

La censure provient de personnes influentes, membres de gouvernements ou d'associations. Ainsi ils ont le pouvoir et la visibilité pour transmettre leurs messages et faire passer leur idéologie fasciste.

Les médias relayent et donnent la parole aux censeurs, profitant du buzz pour faire de l'audimat. Puis, un ennemi est choisi et défini comme cause de tous les maux et on monte l'opinion publique contre lui pour nier la responsabilité des pouvoirs publiques. Les manga deviennent la source de tous les problèmes et sont nommés responsable de la "décadence" de la jeunesse. La pression qui venait d'abord d'un gouvernement ou d'un organisme provient ensuite des citoyens contaminés. La culpabilité et la peur de ne pas pouvoir subvenir à ses besoins finissent par toucher les artistes, qui se plieront aux exigences des censeurs. C'est le début de la "servitude volontaire".

C'est ce qui se passa aux États-Unis dans les années 50, où un psychiatre sorti un livre accusant les comics d'être la cause de la délinquance juvénile. Une loi suivit ces écrits, le "Comics Code", pour réguler et censurer la production de Comics. Protégés par la loi, l’Église et les comités firent brûler les Comics et bandes-dessinées américaines. On estime qu'à cause de cela, la bande-dessinée américaine aurai pris 15 ans de retard dans son développement. Même si l'influence du Comics Code s'est considérablement restreinte après les années 70, le comité de censure n'a été dissout qu'en 2011...

Par l'intermédiaire de l'éditeur américain, nous nous rendons compte de la chasse à la sorcière qu'était le "Comics Code"
Par l'intermédiaire de l'éditeur américain, nous nous rendons compte de la chasse à la sorcière qu'était le "Comics Code"

Par l'intermédiaire de l'éditeur américain, nous nous rendons compte de la chasse à la sorcière qu'était le "Comics Code"

Les censeurs ayant la loi de leur côté, ils possèdent des moyens légaux pour punir les artistes définis comme déviants. Des moyens psychiatriques sont mis en place pour palier à cette pseudo déviance. Cela rappelle la façon dont les personnes homosexuelles ont pu être traitées en France et comme ils le sont encore dans pas mal de pays.

Dans ce manga, un auteur définit comme déviant par les censeurs se voit prescrire un "séminaire spécialisé" (qui n'est que de la novlangue pour de la rééducation forcée), dans lequel on le force à regarder des images insoutenables. Il en ressortira à jamais meurtri. Son seul tort aura été de dessiner un manga sur les enfants battus (alors qu'il prenait le parti des enfants...). Cette punition, qui s'apparente plus à du lavage de cerveau, n'est pas si irréelle qu'on le pense. En effet elle est déjà appliquée aux mauvais conducteurs lors des stages de récupérations de points à qui on fait visionner des images choquantes d'accidents de la route...

Cette scène, inspirée de celle d'Orange mécanique, provoque l'aversion des valeurs de la personne. Ce lavage de cerveau a pour but de transformer totalement la personnalité du sujet.Cette scène, inspirée de celle d'Orange mécanique, provoque l'aversion des valeurs de la personne. Ce lavage de cerveau a pour but de transformer totalement la personnalité du sujet.

Cette scène, inspirée de celle d'Orange mécanique, provoque l'aversion des valeurs de la personne. Ce lavage de cerveau a pour but de transformer totalement la personnalité du sujet.

Résiste, prouve que tu existes :

Malgré les sanctions, la résistance est possible et Poison City semble nous donner des pistes autour des moyens de se défendre.
Mikio ne cède pas au chantage et préfère sacrifier ses revenus plutôt que son œuvre. Il cherchera d'autres moyens de publier son manga. La mise en ligne ou la publication dans des pays étrangers seront des moyens de contourner la censure. Cependant elles ne sont pas une solution en soit puisque les revenus du mangaka ne seront pas suffisants pour qu'il puisse survivre. Pour Mikio et donc, pour Tetsuya Tsutsui, une des pistes serait de réussir à battre l'adversaire sur son terrain, en détournant astucieusement les moyens utilisés par les censeurs. Dans Poison City, Tetsuya semble dicter aux autres mangaka les façons de contourner la commission et sa censure, en modifiant son manga. En jouant sur sa mise en scène et la répartition des passages classés "choquants" il est possible de ne pas subir la censure. Cependant il assure que ce n'est pas une bonne chose puisqu’elle dénature la création artistique et qu'elle donne raison aux censeurs. Pour Tetsuya, il ne faut rien lâcher, quitte à se sacrifier sur l'autel de la liberté d’expression. Ce dévouement permet d'inspirer d'autres personnes qui pourront se lever contre le système.

Le magazine satyrique "Mad Magazine" fut créer par un créateur de bande déssinée afin de défier les censeurs du Comics Code.

Le magazine satyrique "Mad Magazine" fut créer par un créateur de bande déssinée afin de défier les censeurs du Comics Code.

A la fin du 2nd tome, il est écrit "Si mon message traverse les époques... Franchit les frontière et passe outre les différences culturelles .. Pour parvenir aux générations futures.. Mon combat n'aura pas été vain".

On ne sait pas si c'est Mikio, qui parle de son manga Dark Walker, ou Tetsuya Tsutsui qui nous écrit directement en brisant le 4ème mur. Pour ma part, je pense que c'est directement le mangaka de Poison City qui nous adresse un message, ou plutôt, une requête. Celle de se remémorer son histoire, la transmettre comme je le fais aujourd’hui, mais aussi de se battre comme il l'a fait à son tour, et comme on l'a fait avant lui, pour la liberté d’expression et contre le fascisme idéologique, sous toutes ses formes...                   

"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux." Benjamin Franklin

"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux." Benjamin Franklin

Voila ce qui conclut cette MangAnalyse sur Poison City. J’espère qu'elle vous aura plu malgré le thème, et la façon dont j'ai traité cette œuvre. J'ai beaucoup aimé ce manga, qui m'a fortement inspiré et qui m'a fait ouvrir les yeux sur beaucoup de choses comme les éléments de langages, et les manipulations d'opinions publiques. N'hésitez pas à me laisser vos impressions et vos avis en commentaire. Je vous remercie d'avoir lu, je vous dis à samedi 08/09/2018 pour ma review de la semaine, à bientôt ! (^_^)

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